En 1957, la dictature de François Duvalier, surnommé Papa Doc, s’installe en Haïti. La répression instaurée par ce régime pousse une masse de professionnels, d’intellectuels et d’artistes à quitter leur patrie. Des milliers d’entre eux se réfugient au Québec, avec lequel ils partagent une communauté de langue et de religion. Ils y sont aussi attirés par l’effervescence culturelle de la Révolution tranquille, à laquelle ils ajouteront leurs voix d’écrivains, de poètes, de militants politiques et de chanteurs. Ces expatriés viennent surtout grossir les rangs de la petite communauté haïtienne de Montréal, ville qui deviendra un pôle important de la diaspora haïtienne.

Au début des années 1960, Carlo D’Orléans-Juste, un Haïtien établi à Montréal, ouvre un café sur la rue Metcalfe,  Le Perchoir d’Haïti devient le point de rendez-vous d’écrivains haïtiens et québécois reconnus comme Gaston Miron, Nicole Brossard, Anthony Phelps ou encore Serge Legagneur.

 

En visite à Port-au-Prince, il entend chanter Joe Trouillot et lui offre un contrat à Montréal.  Considérant le contexte politique, en 1961, Joe Trouillot décide d’accepter l’offre du propriétaire du Perchoir d’Haïti — un voyage tous frais payés vers Montréal, accompagné du meilleur pianiste d’Haïti, Ernest Nono Lamy. Quand il arrive à Montréal, la scène musicale québécoise n’est pas étrangère à Joe Trouillot.

Il y avait déjà, dit-il, « des Québécois que j’admirais, que j’appréciais. » Celui qui est devenu l’idole et le mentor de bien d’autres ajoute : « Un bien gros merci d’ailleurs de m’avoir toléré! » Son adaptation à un nouveau pays se fait sans embuches; il explique : « Je n’ai pas eu de problèmes. J’ai été bien accepté, même choyé », tant par la scène culturelle que par les Haïtiens déjà établis dans la métropole. Reste-t-il proche de sa communauté? Joe Trouillot s’exclame : « Toujours, toujours, toujours. J’étais le chanteur qui remplissait la boîte, ce qu’on appelle Le Perchoir d’Haïti. Et voilà pourquoi le propriétaire Carlo Juste m’a fait un contrat renouvelable. Et j’ai travaillé pendant 12 ans avec lui! »

Joe Trouillot devient aussi « chanteur de la maison » et maître de cérémonie au Café Saint-Jacques. Ce cabaret, situé à l’angle des rues Sainte-Catherine et Saint-Denis, accueille un public local, mais aussi des Français et des Haïtiens de New York qui viennent tous les weekends. Il y interprète un répertoire créole, français et québécois et il présente avec classe et énergie les étoiles québécoises et canadiennes du moment.

Deux musiciens et un chanteur sur une petite scène dans un café

Joe Trouillot  au café du Perchoir
Centre d’histoire de Montréal